Analyse POLITIQUE

La diplomatie canadienne sous l’ère Biden: quels défis pour Trudeau?

Mis à jour le 6 fév 2021
Bernard Descôteaux
par Bernard Descôteaux
Chroniqueur politique à InfoBref, ancien directeur du Devoir
  • La diplomatie Canada-États-Unis retrouve son cours normal depuis l’intronisation du président Joe Biden. Déjà s’estompe la pénible parenthèse de Donald Trump.
  • L’espoir d’un nouveau départ exprimé par Justin Trudeau a vite été tempéré par un rappel amical du nouveau président que Washington demeure celui qui donne la note.

La relation qu’entretiendront le Canada et les États-Unis sera bien différente désormais. Donald Trump n’avait cure de ce voisin et de son premier ministre envers qui il aimait être méprisant.

La conception de Joe Biden de cette relation est tout à l’opposé.

  • Les États-Unis sont un «grand-frère» pour le Canada.
  • Un grand-frère qui, dit-il, peut parfois être «insupportable et arrogant», façon de rappeler au petit-frère que celui-ci ne peut tout avoir.

Le décret présidentiel sur le projet Keystone XL, signé par le nouveau président tout juste après son assermentation, était justement une façon de rappeler que les impératifs américains prévaudraient toujours.

À son premier jour à la tête de son pays, il lui fallait rassurer les progressistes au sein de la coalition qui a assuré son élection, peu importe ce qui en coûterait au Canada.

Le «petit-frère» s’est rendu à la volonté du «grand-frère». Il a mis de côté toute idée de vouloir infléchir cette décision. Tout comme il avait plié lorsque Donald Trump avait décrété la renégociation de l’Aléna.

L’intérêt du Canada est de choisir ses batailles.

Choisir celles où il a beaucoup à gagner, comme l’assouplissement du Buy American Act: les entreprises d’ici ont les yeux rivés sur ce vaste programme de relance de près de 2000 milliards $ annoncé par le nouveau président, et elles veulent avoir le droit de participer aux appels d’offres publics.

L’administration Biden ne sera pas moins protectionniste que les précédentes.

Cette volonté s’est renforcée sous Donald Trump. La pensée du nouveau président se résume en quelques mots. «Made in America» signifie acheter américain et créer des emplois américains.

Signe de sa nouvelle diplomatie, Joe Biden a accordé au Canada son premier échange avec un chef de gouvernement étranger. Une façon de mettre un baume sur la blessure d’amour-propre infligé au Canada avec ce décret sur Keystone XL, et d’entreprendre sur un ton positif un dialogue pour réamorcer le partenariat de l’époque de l’administration Obama.

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Des intérêts convergents existent entre les deux pays. Encore faut-il vouloir les voir.

Les plus évidents sont au plan économique.

Les accords successifs de libre-échange ont intégré les deux économies. Elles ont tout sauf besoin de nouvelles barrières. Ce qui est «Made in Canada» est devenu nécessaire aux États-Unis pour maintenir la chaîne d’approvisionnement qui fonctionne de manière continentale.

Mais on le voit moins bien de Washington lorsque la crise menace, comme c’est le cas aujourd’hui.

La lutte aux changements climatiques doit, elle aussi, se mener sur une base continentale. C’est ce qu’a signalé le nouveau président américain avec la mise au rancart du projet Keystone XL. C’était une invitation au Canada à le suivre.

Comme toujours, il y aura un risque élevé de rencontrer des difficultés sur la route de la diplomatie entre ces deux pays. Pas encore le temps de sabler le champagne. La différence avec les années précédentes viendra de l’amitié retrouvée.

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Bernard Descôteaux