Tendances MÉDIAS
Instagram pour enfants: la dernière mauvaise idée de Facebook
[photo: McKaela Taylor | Unsplash]
- Facebook serait en train de plancher sur une version d’Instagram pour les enfants, selon des documents internes obtenus par Buzzfeed News il y a quelques semaines.
- Il n’en fallait pas plus pour qu’une levée de boucliers s’organise. Qui veut d’un Instagram pour les moins de 13 ans? Pas grand-monde, apparemment.
Les critiques fusent:
En apprenant l’existence du projet, de nombreux regroupements de parents ou de protection des enfants n’ont pas tardé à agiter le drapeau rouge.
Aux États-Unis, deux sénateurs et deux représentants démocrates ont officiellement demandé à Facebook de mettre au rancart son projet de lancer une version d’Instagram pour les moins de 13 ans.
Ces élus ont ainsi ajouté leurs voix à celles de 44 procureurs généraux américains qui ont signé, le 10 mai, une lettre adressée à Mark Zuckerberg.
- Celle-ci [pdf] réclamait aussi l’abandon du projet, en soulignant qu’historiquement «Facebook a échoué à protéger le bien-être des enfants sur ses plateformes». Ce qui est rigoureusement vrai.
De son côté, l’organisme Campaign for a Commercial-Free Childhood (CCFC), de Boston, ralliait à sa cause pas moins de 100 experts, organisations et défenseurs des enfants.
- Dans sa lettre adressée à Zuckerberg, le CCFC martèle le message qu’elle répète depuis des années: les enfants ont besoin de jouer, d’apprendre et de socialiser avec de vraies personnes – pas par le biais d’une appli qui se concentre sur l’apparence et les concours de popularité.
Ce que nous savons du projet:
Un porte-parole de Facebook a confirmé qu’un Instagram pour enfants est bel et bien sur la table à dessin.
Mais on en sait très peu sur le projet.
- Facebook promet que cette plateforme pour prépubères sera encadrée par un contrôle parental.
- On apprend aussi que l’intelligence artificielle sera bientôt mise à contribution pour vérifier l’âge des utilisateurs.
Il était temps.
Car les médias sociaux et les services de messagerie en ligne sont interdits aux moins de 13 ans en vertu d’une loi fédérale américaine en vigueur depuis 1998, la Children’s Online Privacy Protection Act.
Mais dans les faits, contourner la loi est, littéralement, un jeu d’enfant.
- Il suffit de mentir sur son année de naissance au moment de créer un compte dans Facebook, TikTok, Instagram, etc.
Combien d’enfants de moins de 13 ans vadrouillent dans les médias sociaux en se faisant passer pour plus vieux que leur âge? Sans doute des millions.
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À la recherche d’une bonne raison:
Alors que j’essaie de trouver un argument en faveur d’un Instagram pour enfants, il me vient en tête un épisode vécu par mon épouse, qui travaille en direction dans une école primaire.
Il y a quelques mois, son école a dû gérer le cas d’un garçon de 6e année qui s’est retrouvé avec un «public» d’environ 1500 personnes sur Instagram, intéressées par ses vidéos de type «Es-tu game de…».
Parmi son public, des ados d’une école secondaire voisine ont commencé à le menacer: qu’il se rase les sourcils.
Les ados ont même indiqué qu’ils allaient l’attendre à la sortie de son école pour vérifier qu’il l’avait bien fait, sinon…
Bref, la police a dû intervenir.
Ce genre d’histoires débiles ne sont plus des anecdotes: elles sont quotidiennes.
Découvrez les autres chroniques Tendances Médias de Steve Proulx, une de nos chroniques d’experts publiées chaque samedi dans InfoBref Matin
Les enfants n’ont rien à faire sur les médias sociaux:
Depuis plus d’un an maintenant, les enfants du Québec se sont retrouvés sur Teams ou sur Google Classroom pour suivre leurs cours en ligne lorsque les classes étaient fermées.
Pour mes filles, c’était nouveau.
Et ce ne fut pas glorieux.
En quelques mois, j’ai dû gérer une situation d’intimidation et une peine d’amour, en plus d’avoir à signaler à l’enseignante la présence d’un message quasi suicidaire d’une élève de la classe de ma plus grande.
Or, nous parlons ici d’une plateforme de travail collaboratif utilisée dans un cadre scolaire et accessible à tous les parents.
Et je ne suis pas le seul, comme j’ai pu le confirmer auprès de mes collègues. On m’a raconté des cas de cyberintimidation; et même celui d’un garçon de 9 ans qui avait envoyé des photos intimes à son «amoureux» sur Messenger Kids.
9 ans.
Vous me permettrez donc de douter ÉNORMÉMENT de la pertinence d’un Instagram pour enfants. Pour moi, c’est non.
Moins de médias sociaux, pas plus:
On commence à peine à documenter les retombées négatives des médias sociaux. Il ne se passe pas une semaine sans que soit publiée une nouvelle étude sur la désinformation en ligne, la polarisation causée par les algorithmes des médias sociaux, la haine et le racisme sur Twitter, l’estime de soi minée par Instagram, le harcèlement et la cyberintimidation.
En tant que société, la dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’une autre plateforme sur laquelle nos enfants iront perdre leurs plus belles années.
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