Le MONDE en questions
Comment la guerre en Ukraine pourrait-elle changer l’ordre mondial?
Les dirigeants du G20 au Japon en 2019 (Source: Adam Scotti / Bureau du premier ministre)
- Un mois après le début de l’invasion russe, l’Otan refuse toujours d’envoyer des soldats et d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine. L’alliance ne veut pas entrer en confrontation directe avec la Russie, et risquer ainsi de déclencher une Troisième guerre mondiale.
- La guerre peut-elle s’étendre au-delà de l’Ukraine? «Malheureusement, oui, il faut l’envisager sérieusement», répond à InfoBref Yann Breault, professeur d’études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean. Selon lui, l’invasion russe pourrait redessiner le rapport de forces entre les pays.
À court terme, pas d’issue claire en vue
«Le président russe a atteint un point de non-retour», croit Yann Breault.
Il a voulu prendre sa revanche et donner une «leçon d’humilité à l’Occident», dit-il.
Toute intervention directe de l’Otan en Ukraine serait suivie d’une forte réponse russe, a prévenu Poutine dès le lancement de son invasion.
- Ce n’est pas une menace en l’air, craint le professeur.
- Moscou dispose de 6000 ogives nucléaires et de missiles supersoniques qui peuvent contourner les défenses aériennes.
La Russie a rétabli un rapport de force plus équilibré face à l’Occident.
Ce nouvel équilibre oblige les pays occidentaux à accepter certaines demandes russes.
Selon Yann Breault, Poutine contrôle le rythme de l’escalade.
- C’est ce qu’il a fait lorsqu’il a envoyé un missile à la frontière polonaise pour viser les munitions offertes à l’Ukraine.
Dans ce conflit, «l’arme nucléaire n’a pas de valeur dissuasive, sauf à penser que le pays est assez fou pour en faire usage».
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La guerre pourrait se résoudre par la voie diplomatique.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déjà renoncé à adhérer à l’Otan.
- Le projet d’adhésion à l’Otan est enchâssé dans la constitution ukrainienne, rappelle le professeur.
- Il faudra donc la modifier pour rassurer les Russes.
Néanmoins, cela revient à reconnaître que l’Ukraine, et tout pays, peut voir sa souveraineté limitée par un autre pays, puisqu’on lui refuse le droit d’adhérer à l’alliance de son choix.
Mais la résistance risque de se poursuivre pendant des semaines.
Selon Yann Breault, les 800 millions $US annoncés la semaine dernière par les États-Unis pour aider l’Ukraine à combattre les Russes n’augurent rien de bon pour ceux qui espèrent un règlement diplomatique.
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Après cette guerre, un monde multipolaire?
On se dirige vers un changement majeur des forces internationales, dit Yann Breault: un monde où la Russie et la Chine auraient une sphère d’influence qui limiterait, de facto, la marge de manœuvre de l’Otan.
«La solidité des liens entre Moscou et Pékin n’est pas encore établie. Mais, malgré l’impopularité de l’invasion russe, la Chine s’est montrée plutôt solidaire.»
L’Inde aussi pourrait jouer un rôle, indique le professeur.
Ce pays permettrait à la Russie d’entrevoir une chance, à terme, de survivre, grâce à une «triangulation sécuritaire» entre les 3 pays.
- Comme la Chine, l’Inde s’est abstenue de voter à l’ONU pour condamner l’invasion de l’Ukraine.
- Le pays a décidé d’accroître ses importations d’hydrocarbures russes.
Un grand coup a été porté à l’économie européenne.
Les Américains ont tous gagné en termes d’exportations d’hydrocarbures, dit-il, mais l’Europe – surtout l’Allemagne – dépend du gaz et du pétrole de la Russie.
Les Européens ne peuvent pas encore les remplacer.
- Ils souhaitent accélérer leur transition énergétique vers des énergies renouvelables, mais ils ne seront pas prêts avant 2030.
- Que vont-ils faire? Prolonger la vie des centrales nucléaires, ou ouvrir de nouvelles centrales au charbon, répond Yann Breault.
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L’Allemagne pourrait s’émanciper.
«Lorsque les pays occidentaux poussent Berlin à arrêter le projet de gazoduc Nord Stream 2, ils dénient à l’Allemagne le droit d’avoir sa propre politique énergétique.»
- Berlin a dû suspendre ce pipeline à peine terminé entre l’Allemagne et la Russie. Il n’était pas encore entré en fonction.
Si l’objectif des États-Unis est d’empêcher une résurgence de l’Allemagne, qui a été démilitarisée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette crise va les faire réfléchir, croit Yann Breault.
Après l’invasion, l’Allemagne a débloqué une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros pour moderniser sa défense sous-équipée.
- Le chancelier allemand Olaf Scholz a décidé d’augmenter les dépenses annuelles de défense du pays à plus de 2% du PIB allemand.
- Cette annonce va au-delà de l’objectif fixé par l’Otan.
«L’Allemagne va se lancer dans une nouvelle aventure militaire. Des voix vont s’élever dans le pays pour réclamer une politique de défense plus indépendante.»
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