Le MONDE en questions
Le Canada doit-il avoir peur de la Russie?
(Source: Nasa)
- Moscou pourrait se retourner contre le Canada après la vague de sanctions qu’Ottawa vient d’infliger à l’économie russe. Des sanctions économiques russes auraient toutefois un impact limité ici parce que les deux économies sont peu connectées.
- Le Canada devrait peut-être plutôt s’inquiéter des revendications croissantes de la Russie en Arctique. «Jusqu’à présent, l’Arctique était une zone tranquille», dit à InfoBref l’expert en géopolitique arctique Frédéric Lasserre. Mais, selon lui, Moscou pourrait adopter «un discours plus dur» et contester les frontières de son voisin canadien au Pôle Nord.
Moscou a étendu l’an dernier la zone qu’elle revendique comme étant à l’intérieur de ses frontières en Arctique.
- Cette zone revendiquée va, à partir de la Russie, plus loin que le pôle Nord.
- Or, le pôle Nord était une limite tacite à ne pas dépasser, indique Frédéric Lasserre, professeur de l’Université Laval et directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques (CQEG).
Les revendications russes répondaient à celles du Canada.
- Le Canada a été le premier à dépasser, dans ses revendications, la limite du pôle Nord – en 2013, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
- Les libéraux ont ensuite ratifié et déposé cette demande, en 2019.
Il y a maintenant un chevauchement entre les territoires revendiqués par les 2 pays.
Le Canada et la Russie ont chacun déposé une demande auprès de la Commission des limites du plateau continental pour revendiquer une section du plateau continental qui va au-delà de 200 milles marins de leurs côtes.
- Le plateau continental est la partie d’un continent qui se prolonge sous l’océan.
- 200 milles marins est la distance limite, à partir des côtes d’un pays, de sa «zone économique exclusive» (ZEE).
Les 2 pays ont chacun dû prouver scientifiquement que le plateau continental qui dépasse cette distance de 200 milles est un prolongement naturel de leur territoire, justifiant que leur ZEE soit étendue pour le couvrir.
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La Commission évalue les dossiers dans leur ordre d’arrivée – donc, les revendications canadiennes avant celles des Russes.
- Elle détermine si la revendication d’un pays est défendable d’un point de vue géologique.
- La procédure d’analyse est complexe. Elle peut prendre une dizaine d’années.
«Je serais surpris que la commission accepte les revendications russes et canadiennes», commente Frédéric Lasserre.
- Dans les deux cas, dit-il, la politique a interféré avec la science.
Si plusieurs territoires reconnus par la Commission se chevauchent, c’est ensuite aux États de négocier les frontières.
Jusqu’à présent, tout se passait «très diplomatiquement».
- Lorsqu’un pays fait ses revendications, les autres rappellent qu’ils ne sont pas d’accord, mais ils s’abstiennent d’objecter.
- «Ils tolèrent le dépôt du voisin en attendant que la commission rende son verdict», dit Frédéric Lasserre.
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La Russie pourrait désormais «durcir sa position» pour défendre ses revendications territoriales et s’opposer aux Canadiennes, croit le professeur.
Les sanctions économiques prises par le Canada et ses alliés contre la Russie pourraient inciter Moscou:
- «à être plus conciliant et à négocier;
- ou au contraire à faire une fuite en avant qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour le Canada», dit le professeur.
«Ce ne serait pas malin d’un point de vue stratégique de s’en prendre à un membre de l’Otan, mais la Russie n’est pas un pays rationnel.»
Si la Commission rejette les revendications russes, est-ce que Moscou va accepter cet échec? s’interroge-t-il.
La Russie avait jusqu’ici manifesté son intention de suivre l’avis de la commission.
Néanmoins, beaucoup de choses pourraient changer après l’invasion de l’Ukraine.
- «Il y a plus de chance que Moscou ait un discours plus dur.»
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Que pourrait-il se passer?
La Russie pourrait «étendre de facto ses revendications politiques», croit Frédéric Lasserre.
- Moscou pourrait affirmer que les revendications du Canada sont irrecevables. Cette prise de position pourrait rester verbale.
- Mais le gouvernement russe pourrait aussi poser des gestes sur le terrain, comme déployer des missions d’explorations pétrolières.
Pourtant, au-delà de 200 milles marins, les probabilités de trouver des hydrocarbures sont très faibles, dit Frédéric Lasserre: «Les États revendiquent un plateau continental au cas où ils trouveraient quelque chose.»
De façon générale, en Arctique, les pays font des revendications par «précaution», explique le professeur: «s’ils peuvent avoir droit à un territoire, autant s’en prévaloir.»
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