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Analyse POLITIQUE

C’est le moment de vérité pour Erin O’Toole

Mis à jour le 19 août 2021
Bernard Descôteaux
par Bernard Descôteaux
Chroniqueur politique à InfoBref, ancien directeur du Devoir
C’est le moment de vérité pour Erin O’Toole

Le chef du Parti conservateur Erin O’Toole (Source: Twitter)

  • Élu chef du Parti conservateur il y a quelques mois grâce à l’appui des conservateurs sociaux, Erin O’Toole a entrepris de se distancier de ses amis d’hier pour ramener son parti vers le centre.
  • Une victoire conservatrice à la prochaine élection ne sera possible que par des gains en Ontario et au Québec, où les électeurs veulent entendre parler d’emploi et d’environnement davantage que d’avortement.

Devant son parti réuni en congrès virtuel depuis jeudi, Erin O’Toole a cherché l’appui de ses militants à ce virage dont le caractère stratégique est évident.

La même recette donnant les mêmes résultats, la prochaine campagne électorale ne peut se modeler sur la précédente.

Lors de la dernière campagne, Andrew Scheer s’était fait le défenseur à la fois du mouvement pro-vie et de l’industrie pétrolière.

La stratégie de Scheer a freiné la percée du parti au Québec, et accentué la concentration de son vote dans les Prairies (Alberta, Saskatchewan et Manitoba).

Il en a résulté une distorsion coûteuse:

  • Le PC y a raflé la mise dans les Prairies. Ses deux millions de voix lui ont donné 54 des 62 sièges.
  • Le Parti libéral, avec 500 000 voix, n’y a fait élire que quatre députés.

Ce surplus de voix venu des Prairies explique:

  • que le Parti conservateur ait recueilli au plan national plus de suffrages que le Parti libéral, soit 34,3% contre 33,1%;
  • mais n’ait fait élire que121 députés, soit 36 de moins que le Parti libéral.

Erin O’Toole a besoin d’au moins 1 million de voix de plus qu’Andrew Scheer pour l’emporter sur Justin Trudeau. Encore là, rien ne lui assurerait un gouvernement majoritaire.

Il doit donc surperformer dans les autres régions du Canada.

Erin O’Toole doit pour cela tirer son parti vers le centre.

Sitôt élu chef, il s’est dit favorable au libre-choix en matière d’avortement et aux droits de la communauté LGBT, tout comme à ceux des Premières Nations.

«Le Parti conservateur est un parti conventionnel, modéré et pragmatique, au centre de la politique canadienne», écrivait-il en janvier avant de faire expulser du caucus un député trop à droite.

Plus récemment, il donnait des signes d’ouverture en matière de lutte aux changements climatiques. La vraie surprise serait qu’il ose appuyer la taxe sur le carbone.

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La fibre conservatrice qu’on trouve chez Erin O’Toole est proche du progressisme conservateur qui animait le Parti conservateur des Joe Clark et Brian Mulroney.

On peut y voir un retour du balancier, qui était allé plus à droite après la fusion avec l’Alliance canadienne.

Ce virage heurte plusieurs. Des militants de la droite religieuse se sont activés en congrès pour que soient débattues des questions comme l’avortement, et pour se faire élire à des sièges du conseil exécutif.

La prochaine élection est imminente. L’intérêt du parti serait de faire bloc.

Or, le nouveau chef a de la difficulté à asseoir son autorité.

Six mois après son arrivée, il n’apparaît pas comme un gagnant.

Les sondages le donnent derrière le premier ministre Trudeau avec un écart de cinq ou six points en moyenne. Il est peu connu du grand public.

On comprend pourquoi O’Toole ne veut pas d’élections ce printemps. Il a besoin de temps pour s’imposer.

Il sait qu’en cas d’échec, ce parti ne lui donnera pas de deuxième chance.

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Bernard Descôteaux