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Le MONDE en questions

Comment aider les Afghans sans financer les talibans?

Mis à jour le 14 mai 2022
Johanna Sabys
par Johanna Sabys
Journaliste à InfoBref
Comment aider les Afghans sans financer les talibans?

Chris Alexander à Kaboul (crédit photo: Kate Brooks)

  • 97% des Afghans pourraient sombrer sous le seuil de pauvreté s’ils ne sont pas aidés d’urgence, selon un rapport de l’ONU publié en septembre.
  • Le pays, déjà pauvre avant le retour au pouvoir des talibans, est aujourd’hui «en chute libre», explique à InfoBref Chris Alexander, ancien ministre fédéral et ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan: les Afghans sont menacés par la «plus grande famine» de leur histoire.

Les pays occidentaux ont coupé les vivres à l’Afghanistan au lendemain de la prise de pouvoir des talibans, le 15 août dernier. 

  • Or, près de la moitié du PIB du pays dépendait des aides internationales.

Dépourvu de ces aides, l’Afghanistan est désormais «l’un des pays les plus pauvres, peut-être le plus pauvre au monde», estime Chris Alexander, qui était de 2003 à 2005 le premier ambassadeur canadien en Afghanistan après la chute des talibans. 

Depuis le conflit de cet été: 

  • «les exportations du pays sont suspendues; 
  • l’agriculture a été interrompue;
  • le système financier afghan est en déroute; et
  • aucun argent n’arrive plus au pays». 

Tous les programmes des Nations unies et des ONG doivent être mis en œuvre pour offrir une «réponse humanitaire sans précédent», plaide-t-il.

Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a lancé en octobre un plan pour injecter des fonds dans l’économie afghane sans passer par les talibans.

  • Ce plan prévoit d’offrir aux plus vulnérables un programme «argent contre travail» et des subventions pour les PME du pays.

Mais il faut, dès aujourd’hui, agir à grande échelle, dit Alexander, pour envoyer de la nourriture et des médicaments à une population de 40 millions de personnes.

Sans quoi, des dizaines de milliers d’Afghans pourraient mourir, croit l’ancien ambassadeur.

  • «Il n’y a pas de limite à la misère qui pourrait frapper les Afghans cet hiver.»

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Il ne faut pas négocier avec les talibans, assure-t-il. 

  • «C’est non négociable, insiste-t-il, les organisations ont le droit de sauver des vies, et il s’agit bien ici d’un sauvetage.»

Que doit faire la communauté internationale?

  • faire front commun contre les talibans pour développer les leviers d’influence;
  • «prendre des sanctions contre les personnes et les organismes au Pakistan qui ont monté l’invasion et qui gardent les talibans en place; et surtout
  • livrer directement à la population ce dont elle a besoin par tous les canaux disponibles».

De son côté, le Canada devrait garder contact avec le régime taliban, dit-il.

  • Ottawa dialogue actuellement au Qatar avec des responsables talibans.
  • «Mais il n’y a plus personne sur le terrain et nos leviers ont disparu.»

Le Canada est néanmoins l’un des seuls pays prêts à recevoir des Afghans en grand nombre, souligne-t-il.

  • Les Afghans qui veulent quitter le pays pensent au Canada et à sa politique d’accueil.

Mais nos programmes ne rejoignent pas ceux qui sont encore en Afghanistan.

  • Les talibans ne laissent pas partir du pays les personnes qui ont travaillé pour le gouvernement afghan ou pour un pays étranger.

Ce qui manque aujourd’hui c’est «l’attention politique», affirme l’ancien ministre canadien de l’Immigration. 

La situation de l’Afghanistan est exceptionnelle, plaide Chris Alexander.

  • Le pays se retrouve «privé de son revenu de base; et
  • il est abîmé par la présence du régime le moins susceptible de respecter les droits de la personne de l’histoire moderne». 

«Les talibans n’ont aucun respect pour la vie humaine, affirme-t-il. Ces personnes ne sont pas originaires de l’Afghanistan: ce sont des réfugiés ou des citoyens du Pakistan chargés de garder le contrôle par la peur ou la violence.»

  • «C’est dévastateur, la litanie de gestes absolument inhumains qui nous arrive tous les jours», témoigne-t-il, en précisant qu’il reçoit encore des appels quotidiens en provenance du pays.

Les États-Unis sont «gênés, voire humiliés par cet échec et leur incapacité à influencer la situation dans un meilleur sens», croit-il. 

«Il faut aujourd’hui mettre de côté la gêne, l’embarras et toutes les erreurs du passé et se concentrer sur les besoins urgents de 40 millions de personnes.»

Johanna Sabys