Analyse POLITIQUE

Gouverneur général: en a-t-on vraiment besoin?

Mis à jour le 31 janv. 2021
Bernard Descôteaux
par Bernard Descôteaux
Chroniqueur politique à InfoBref, ancien directeur du Devoir
  • Le rapport de l’enquête sur les relations de travail à Rideau Hall rendu public mercredi confirme que le choix de Julie Payette comme gouverneur général était une erreur.
  • Sa démission laisse le Canada sans «chef d’État». Pourtant, le pays continue de fonctionner. Belle occasion de réfléchir à la pertinence de cette fonction protocolaire.

Ce mauvais casting est le fait du premier ministre Trudeau. Pour des considérations de marketing politique, il souhaitait remplacer l’éminent professeur de droit David Johnston par une personnalité apportant du glamour à la fonction.

Le parcours exceptionnel de Julie Payette en faisait la candidate idéale.

  • Mais rapidement, le corset protocolaire de la fonction se révéla source de malaises pour l’ancienne astronaute.
  • Sur le plan personnel, on peut imaginer qu’elle est aujourd’hui heureuse de laisser ce rôle de figurant.

Par essence, la fonction de gouverneur général se résume à des rôles de représentation. Comme ses prédécesseurs, Julie Payette personnifiait le chef d’État du Canada en lieu et place de la reine Élisabeth.

Aucun pouvoir décisionnel ne lui revient sauf, croient certains, lorsqu’il s’agit de déterminer qui formera le gouvernement.

On cite la crise parlementaire survenue en 2008 lorsque Michaëlle Jean fut appelée à trancher entre le premier ministre Harper et l’opposition qui voulait le défaire, et à mettre en place un gouvernement de coalition.

  • Pour éviter d’être renversé, le premier ministre demanda la prorogation des travaux parlementaires.
  • Mme Jean hésita longuement, mais convint que les conventions constitutionnelles la forçaient à se plier à la requête du premier ministre dont elle doit suivre les avis.

Agir autrement aurait ouvert une crise politique grave. La reine et son représentant n’ont pas la légitimité d’intervenir à la place des élus.

La démission de Julie Payette relance le débat sur l’abolition de la fonction de gouverneur général.

La situation actuelle constitue même une preuve par l’absurde qu’on n’a pas besoin d’un gouverneur général avec tous ses attributs. Le juge en chef de la Cour suprême, sobrement, remplit la fonction en s’en tenant à l’essentiel.

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Abolir le poste de gouverneur général voudrait dire en réalité couper les liens avec la monarchie britannique.

Il faudrait attribuer la fonction de chef d’État et accorder une réelle légitimité politique à son titulaire en le faisant élire selon des modalités à définir. Par exemple, par les parlementaires, comme cela se fait dans plusieurs pays.

De la coupe aux lèvres, il y a loin. Le contexte de la pandémie n’est pas propice à un tel débat qui serait, aux yeux de plusieurs, un crime de lèse-majesté envers la dame qui vit au palais de Buckingham à Londres et qui demeure populaire.

Mais son successeur ne le sera peut-être pas autant.

Justin Trudeau voudra agir promptement, ne serait-ce que pour des raisons électorales.

  • Le choix de Julie Payette est une erreur à faire oublier. Pour ne pas donner du grain à moudre à l’opposition, il lui faudra faire une nomination qui fasse consensus.
  • Le juge en chef doit être dégagé de la double responsabilité qui lui est imposée actuellement. Au nom de la séparation des pouvoirs, on ne peut lui imposer d’être celui qui, au lendemain du scrutin, invitera Justin Trudeau ou Erin O’Toole à former le prochain gouvernement. Ce serait pour le moins indélicat.

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Bernard Descôteaux