Entrevue
Dessaler l’eau de mer: est-ce une solution au manque d’eau potable?
(Source: Arvydas Baltinas / Unsplash)
- De plus en plus de pays qui manquent d’eau dessalent de l’eau de mer, surtout au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et autour de la Méditerranée.
- Mais les techniques actuelles sont très nocives pour l’environnement et la biodiversité. «La désalinisation doit être utilisée en dernier recours» lorsqu’on a épuisé toutes les autres solutions, explique à InfoBref l’écologue Christophe Mori, enseignant-chercheur à l’université de Corse Pasquale Paoli. Pourtant, c’est devenu un choix «fréquent».
On compte aujourd’hui quelque 16 000 usines de désalinisation à travers le monde, 12 fois plus qu’il y a 32 ans.
Avec la croissance de la population mondiale, «la demande en eau ne va cesser de croitre, et les ressources en eau ne vont cesser de diminuer, observe Christophe Mori: il va falloir faire plus avec moins».
- «La gestion de l’eau va devenir un problème majeur dans les années à venir.»
Avant de dessaler, les pays devraient, selon lui:
- optimiser leurs réseaux – «il y a beaucoup de pertes d’eau: en moyenne 30% de l’eau traitée se perd dans les tuyaux en Europe»;
- augmenter les capacités de stockage – «grâce à des retenues collinaires, où l’on peut stocker des quantités d’eau qui viennent d’ailleurs, au lieu de construire de nouveaux barrages»;
- mieux connaitre et utiliser leurs ressources souterraines; et
- réutiliser les eaux usées – «Israël et la Tunisie réutilisent 90% de leurs eaux usées pour l’agriculture».
Dessaler devrait être «un ultime recours», principalement pour 2 raisons:
1) Cela demande beaucoup d’énergie.
La désalinisation est souvent alimentée par des combustibles fossiles.
2) La saumure asphyxie la faune marine.
Lorsqu’on dessale de l’eau de mer, on rejette de la saumure – une eau «plus dense, chaude et très salée».
- Elle contient environ 55 grammes de sel par litre, en plus de produits chimiques qui sont utilisés pendant le processus.
- Elle s’enfonce dans les fonds marins et asphyxie les espèces qui y vivent.
Selon une des «très rares» études réalisées sur les conséquences de la désalinisation, le rejet de saumure ferait disparaitre 80% des espèces des fonds marins, déplore Christophe Mori.
Elle tue notamment l’herbier de Posidonie: une plante qui sert de lieu de reproduction aux poissons, stocke beaucoup de CO2, et atténue les houles en cas de tempête.
Le dessalement «n’est pas une solution durable», dit Christophe Mori.
«Le problème, affirme-t-il, c’est qu’on n’anticipe pas»:
- Lorsqu’il n’y a plus d’eau, «c’est déjà trop tard, il faut trouver une solution rapidement, et on dessale».
Selon l’écologue, dessaler est «une fuite en avant». Face au manque d’eau, il faudrait plutôt «s’adapter et faire preuve de résilience».