Le MONDE en questions

Colombie: un ex-guérillero peut-il devenir président?

Mis à jour le 4 juin 2022
Johanna Sabys
par Johanna Sabys
Journaliste à InfoBref
Colombie: un ex-guérillero peut-il devenir président?

Gustavo Petro et sa co-listière candidate à la vice-présidence, Francia Marquez (Source: Twitter de Francia Marquez)

  • Le candidat de gauche Gustavo Petro a remporté une victoire historique au premier tour des élections présidentielles en Colombie, alors que le pays est traditionnellement de droite. Mais, au deuxième tour, il se retrouve face à un adversaire inattendu: le candidat indépendant Rodolfo Hernandez, décrit comme le Trump colombien.
  • Face à Hernandez, Petro a perdu son statut de favori, explique Yann Basset, professeur en sciences politiques à l’Université du Rosario à Bogota, la capitale colombienne. Le conservateur Federico Gutierrez, à qui il devait se mesurer, a appeler à voter pour Hernandez, qui a pris la tête dans les sondages. 

Au premier tour:

  • Gustavo Petro est arrivé largement en tête avec plus de 40% des voix.
  • Rodolfo Hernandez a réussi à s’imposer au deuxième tour avec 28%.
  • Federico Gutierrez, successeur désigné du président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne pouvait pas se représenter, a obtenu 24%.

À 2 semaines du deuxième tour, le 19 juin, il est difficile de prédire qui sera le futur président colombien.

Selon un sondage récent, Hernandez gagnerait avec 49% des votes, et Petro perdrait ses troisièmes présidentielles avec 45%.

Gustavo Petro est un ancien membre d’une guérilla de gauche radicale. Il est aujourd’hui à la tête d’une coalition de gauche. 

Depuis plusieurs mois, les sondages prédisaient sa victoire face à Federico Gutierrez.

  • «Il a su interpréter le malaise social qui s’est fait sentir sous le gouvernement conservateur actuel», note Yann Basset.
  • Dans un pays très inégalitaire, dit-il, «il est le candidat des plus pauvres, qui fait peur aux plus riches».

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Petro est menacé de mort.

Ces menaces sont prises au sérieux en Colombie, souligne le professeur qui y vit depuis 20 ans.

En 1990, 3 candidats ont été assassinés. «C’était il y a longtemps, quand régnaient encore Pablo Escobar et les grands cartels de la drogue, qui sont désormais moins puissants», indique Yann Basset.

«Il suscite beaucoup de résistance.»

  • Petro prévoit de nombreux programmes sociaux, pour réformer le système de santé, offrir des retraites et aider les chômeurs, qu’il compte financer en augmentant les impôts.
  • Son programme, il ne pourra pas l’appliquer entièrement, dit Yann Basset. Mais on s’inquiète surtout sur sa façon de gouverner, son non-respect du pluralisme politique et des médias. 

«Il est agressif, polarisant et autoritaire. Lorsqu’il était maire de Bogota, il s’est brouillé avec tout le monde». Il a même été destitué de ses fonctions après avoir nationalisé le ramassage d’ordures sans respecter les règles d’appels d’offres. 

Rodolfo Hernandez est un candidat indépendant issu du monde des affaires qui s’exprime avec «un langage peu contrôlé». 

«Hernandez a su agiter le mécontentement de tout le monde contre les élites politiques. Il se présente comme un ingénieur qui construira des routes et des maisons, au lieu de faire de la politique.»

Son programme?

  • Diminuer la bureaucratie et «mettre dehors la classe politique corrompue».
  • Au-delà de sa lutte anticorruption, son programme est limité, dit Yann Basset.

Hernandez devra clarifier ses opinions d’ici le 19 juin, croit-il. 

Or, il a annoncé qu’il ne participerait pas au débat prévu entre les deux tours.

  • «Selon lui, ça ne sert à rien. Et il craint peut-être de se mesurer à Petro qui est un très bon orateur.»

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Gustavo Petro peut-il encore gagner?

«Oui, s’il réussit à faire une bonne fin de campagne», affirme Yann Basset.

Il a seulement 4 points de retard, note-t-il, mais il n’a aucune réserve de voix.

Pour gagner, croit le professeur, Petro devra:

  • mobiliser les personnes modérées qu’il n’a pas réussi à convaincre, et
  • miner la campagne d’Hernandez, qui est assez mal connu, y compris de ses partisans.

«Hernandez, lui, aura peut-être plus de mal à conserver ses votes, qu’à rallier les conservateurs anti-Petro.»

Des personnes qui ont voté pour lui au premier tour pourraient hésiter, croit-il. «Hernandez n’est pas vraiment reconnu pour son honnêteté, il a été accusé de corruption quand il était maire de Bucaramanga.» 

Ces deux présidents potentiels auront du mal à gouverner.

«Ce sera un véritable enjeu pour les deux candidats, et cela suscite beaucoup d’inquiétudes», explique Yann Basset.

Le Congrès élu en mars est très divisé, précise-t-il. Ils devront tous les deux trouver des alliés, mais dans les deux cas, ce n’est pas gagné.

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Johanna Sabys